=> Le début.

C'est quoi donc, une assistante sociale? Vous avez 2 heures.

Peu de gens savent exactement ce qu'est une assistante sociale. Dans l'inconscient populaire, c'est très très étendu comme métier.
Au choix : je retire les enfants au sein nourricier de leur mère, pour les placer dans d'horribles institutions staliniennes où on ne prend pas soin d'eux. Je suis la copine de l'huissier de justice qui vient mettre à la rue une famille avec 6 enfants en bas-âge un soir de Noël où il gèle. Je suis la connasse qui comprend rien et qui ne veut pas donner de thunes. Je suis l'imbécile qui ne donne pas la mutuelle. Je suis une vieille fille aigrie et acariâtre, très procédurière ( et je porte des tailleurs démodés et des lunettes).

Bon. Il est grand temps de le dire... Je suis jeune. Je suis assistante sociale, métisse, piercée, tatouée et oui... je porte des lunettes! Je porte des bottes ou des chaussures colorées... En fait, je suis désespérément normale.
Je ne hurle pas de joie à l'idée de mettre une famille à la rue. D'ailleurs je ne mets pas de famille à la rue. Le juge décide d'en mettre une à la rue, l'huissier exécute. Si assistante sociale il y a, elle sert, la plupart du temps, à chercher un moyen de se reloger. Je ne me fais pas les ongles en attendant la pause café de 10.00. Je ne prends pas 3 heures de tables pour parler tampax et épilation. Je ne refuse pas de lâcher la thune des gens en prétextant qu'on a pas de cachet.

Le travail que je fais dépend énormément du pouvoir organisateur qui m'emploie.

De base, et d'après mes études je suis (as-tation) une technicienne du lien social. Voui madame. Ce qui veut dire, en clair, que où que je bosse, je suis censée faire en sorte que les gens en difficultés s'accrochent à la réalité sociale de notre monde. Et pour ce faire, j'ai une connaissance technique aigue de toute la sécurité sociale belge. Du moins, suis-je censée l'avoir.
Dans la réalité, je vois des gens, je les écoute, je vois avec eux ce qui ne va pas dans leur parcours et qui les a conduit à une situation d'inconfort social et je tente de les aider à raccrocher le wagon à la locomotive.
Ma mère le résume très élégamment : je suis un chausse-pied. Le pied, c'est la personne; la chaussure, c'est la société. Et moi je pousse pour que l'un s'adapte à l'autre.
Dans la vraie vie de tous les jours et de par le lieu où je bosse, je me tape tous les inadaptés sociaux possibles, les doux dingues ( ceux qui sont trop atteints pour bosser, pas assez pour etre hospitalisé, pas assez pour obtenir une allocation de remplacement de revenus, qui ont pas assez travaillé pour avoir le chômage), les lignées de rien-fouteurs de  père en fils,  les  étrangers fraichement débarqués et qui comprennent rien ( et je les comprends, c'est ultra compliqué) à notre système de sécurité sociale, ni à notre culture d'ailleurs  ( les femmes travaillent chez nous. MEME quand elles ont des enfants. Déjà ça, c'est un pas énorme à faire), les accidentés de la vie qui ont bossés comme des ânes pour un patron qui les a purement et simplement jeté sans leur faire les bons papiers pour avoir le chômage, etc etc.